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*Article réalisé avec la contribution de Gilles Verrier, intervenant lors du Tour de France des AFEST par UNICO, Reims – Mai 2022.
Gilles Verrier est l’auteur de « RH en 2030 » – Dunod – 2020
La FEST face à l’évolution des pratiques
L’expérimentation relative aux AFEST (2015- 2017) diligentée par la DGEFP a permis l’émergence d’un modèle de formation interne aux entreprises, validant l’intérêt formatif de la situation de travail pour autant qu’il soit aménagée. Rappelons la muraille séparatiste qui existait jusqu’alors entre le temps consacré à travailler et à produire et le temps consacré à développer ses compétences. L’abolition de ce principe séparatiste tient dans un constat simple : Au vu de l’ampleur du développement des compétences à assurer, il n’est plus possible de maintenir cette distinction, sauf à envisager d’envoyer en formation ses collaborateurs pendant 10, 20, 30% de leur temps. Par ailleurs, extraire les personnes de leur poste de travail en les envoyant en formation n’est plus la solution parce que ce n’est ni suffisant, ni vraiment pertinent pour développer les compétences requises. Il devient clair que ce n’est pas avec les modalités traditionnelles de la formation qu’on apprend le mieux. L’enjeu, c’est bien la transformation des pratiques effectives. C’est à cet égard que la modalité FEST prend tout son sens
Structurer la formation interne avec La FEST, mais pas seulement…
Le déploiements de la modalité FEST , auquel Iccertis à largement participé, a permis de démontrer son efficacité. La formation en situation de travail, c’est l’espace de formation dans le réel, et c’est à partir d’une pratique réelle que les formateurs internes peuvent, d’une part stimuler la réflexivité de leurs apprenants, et d’autre part, évaluer objectivement les acquis de l’apprentissage. Toutefois, la formation interne ne peut que rarement se structurer avec la seule activité productive. Le travail aménagé est parfois un support suffisant pour la montée en compétence visée, mais souvent, il convient d’insérer la FEST dans un parcours multimodal. Avant de « faire », il faut d’abord « savoir » !
De la complexité de l’ingénierie de la formation interne
Il faut clarifier un point : La formation en situation de travail n’est pas en elle-même une modalité complexe. Ce qui est complexe, et pourtant nécessaire, c’est de constituer une expertise interne en matière d’analyse du travail, de conception de parcours, d’animation pédagogique, de planification et de supervision des temps de formation. Mais ne pas vouloir affronter cette complexité c’est ne pas voir le rythme effréné de l’évolution des métiers et des compétences. C’est refuser de faire le lien entre compétence et compétitivité. Par nécessité, la formation devra être intégrée au travail. C’est un projet d’entreprise, porté au plus haut niveau par ses dirigeants, conçu et réalisé par des équipes dédiées disposant du temps nécessaire. Cela suppose de travailler de manière étroitement articulée les champs de l’organisation du travail, du contenu des poste, et du développement des compétences. Bref, c’est du boulot. Mais le jeu en vaut la chandelle !
Rien de pharaonique si l’ambition reste mesurée
L’expertise Iccertis dans l’accompagnement des entreprise montre que ce serait une erreur que de croire que cette approche du développement des compétences peut être menée sous forme de big bang. Le succès est obtenu quand on agit dans un premier temps sur un nombre limité d’activités. Quelques exemples :
– cibler une ou plusieurs activités qui présentent un enjeu d’adaptation pour les nouveaux collaborateurs,
– cibler des activités génératrices d’incidents récurrents,
– cibler des activités qui devront requérir des compétences différentes de celles qui sont maîtrisées aujourd’hui.
Donc, mener une démarche d’expérimentation plutôt qu’une démarche globale et descendante. Les petites entreprises ont des atouts forts pour mener un projet de ce type : la proximité qu’ont les dirigeants avec les activités opérationnelles, avec le terrain. La dimension pragmatique des approches. L’absence de lourdeurs bureaucratiques qui se développent parfois dans les grandes organisations.
Trois bonne raisons, parmi d’autres, pour engager une démarche de structuration de la formation autour de la FEST
– Être en capacité de se projeter pour mettre en place une démarche d’anticipation quantitative (effectifs ) et qualitative (compétences requises). Des lors l’analyse du travail, la structuration de parcours de montée en compétence, l’articulation entre formation au poste et réflexivité correspondent bien à une GPEC complétée ou réinventée. Le modèle émergeant de GEPP(Gestion des emplois et des parcours professionnels) tend vers cette réinvention.
– Travailler son attractivité en promouvant l’apprenance, plutôt qu’ en agissant sur la seule communication de recrutement.
– Admettre la nécessité de rupture face aux modalités traditionnelles pour repenser les modalités de développement des compétences dans la singularité de l’exercice du travail d’une entreprise elle-même singulière.
La formation interne est avant tout un véritable projet, inscrit dans la volonté d’une entreprise et de ses dirigeants de garder la maitrise de ses savoir-faire, et de faire face à une pénurie de compétence largement annoncée. C’est un enjeu « business ».